Bonsoir à tous,
Il serait temps que la véritable histoire de l'une des
plus grandes maisons suisses soit enfin écrite. Voici de quoi démarrer.
Henri Rochefort (Paris, 1831 - Aix-les-Bains, 1913) dit
marquis de Rochefort–Lucay, redoutable journaliste français à la plume acerbe,
devenue homme politique et écrivain. Violant pamphlétaire, Rochefort attaqua le
Second Empire dans le journal « La Lanterne » qu’il
avait créé en 1868. Après la Commune, Rochefort fut condamné à la déportation
en Nouvelle Calédonie dont il réussit à s’évader pour rejoindre Genève en 1874
d’où sa plume acide poursuivit le gouvernement français dans les pages de
« La chronique radicale », « du Petit
Genevois »… L’illustre peintre Edouard Manet (1832-1883) immortalisa
l’évasion de Henri Rochefort sur l’une de ses toiles ; tandis que le
célèbre sculpteur Auguste Rodin (1840-1917) fit son buste ; et que le
réputé ouvrier dessinateur sur étoffe et chansonnier, Eugène Pottier
(1816-1887) a qui l’on doit « L’Internationale » avant de
devenir un homme politique français, dédia sa chanson « Jean Misère »
à Henri Rochefort en 1880, justement l’année du retour en grasse de
Rochefort…En 1880 donc, Henri Rochefort est amnistié, rentre à Paris et fonde
le journal d’opposition de gauche « L’Intransigeant ».
Toutefois, il écrivit des articles contre la Suisse ce qui ne l’empêcha pas de
revenir souvent à Genève. Puis, il adhéra au boulangisme (général Georges
Boulanger, Rennes 1837 – Ixelles 1891) avant d’épouser le nationalisme
antidreyfusard au côté d’un certain comte de Dion, le créateur du journal
L’Auto.
Ce que vous ne devez pas savoir, c’est qu'Henri
Rochefort eut pour gendre le peintre Frédéric Dufaux qui lui
donna pour petits-fils les frères Henri et Armand Dufaux, créateur de La
Motosacoche. Dans les mémoires de Henri Dufaux, on apprend qu’il allait
couramment encourager ses petits enfants, Henri et Armand Dufaux dans leurs
premières recherches sur les moteurs à pétroles, les avions, l’hélicoptère et
l’automobile.
Ce que vous ignorez encore, c'est que le 18 octobre
1685, Louis XIV signa l’édit de Fontainebleau plus connu sous le titre de
révocation de l’édit de Nantes (13 avril 1598) qui jeta 200 à 300 000
sujets huguenots sur les routes d’Europe. Parmi eux on trouve les Bréguet,
Citron, Le Jeune (ou Lejeune)… et Dufaux. Les premiers s’installèrent à
Neuchâtel et excellèrent dans l’horlogerie puis l’aviation, tandis que les
seconds rejoignirent la Hollande, puis l’Angleterre où ils devinrent les
Citroën et les De Jong et ils brillèrent dans l’automobile.
Quant aux derniers, venant de Montpellier, ils s’établirent
à Boveresse (un petit bourg près de Motier entre Pontarlier et le lac de
Neuchâtel) et l’un d’entre, Jean-Antoine Dufaux vint à Genève dans la citée
idéale voulue par Calvin et s’y maria en 1773. Il eut deux fils, Jean-Antoine
(1775-1855) et David-Henri (1785-1871). Jean-Antoine vint s’installer à Lyon
comme dessinateur d’indienne (étoffes de coton peintes ou imprimées) où il fit
fortune avant de revenir à Boudry (bourgade au sud de Neuchâtel) puis à Genève
en 1823 comme bourgeois. Son fils, Louis Dufaux (1802-1884) né à Lyon,
s’orienta vers la peinture de motifs floraux sur émail, suivit son père à Boudry
puis s’installa à Genève au début du XIXème où il devint un émailleur
réputé. L’oeuvre de Louis Dufaux se poursuivit avec ses fils Pierre
(1825-1873) et Marc (1833-1887) et ses petits-fils avec Gabriel (1879-1884) et
Antoine (1866-1936). On notera que Marc devint député au Grand Conseil et
qu’Antoine devint le directeur du Musée d’art et d’histoire…
Quant à David-Henri Dufaux, il devint graveur et sculpteur
et eut pour fils, Frédéric-Guillaume (1820-1872) et Frédéric (1852-1943), ce
dernier après l’école des Beaux-Arts parti travailler à Florence puis à Paris
où il épousa la fille d’Henri de Rochefort ce qui lui permet de devenir l’ami
de Manet, Rodin… De ce mariage naîtront trois enfants dont nos célèbres Henri
et Armand Dufaux…
Henri Dufaux naquit le 18 septembre 1879 à Chens
(arrondissement de Thonon) en Haute-Savoie et son frère Armand vit le
jour 13 janvier 1883 à Paris. Ils ne prendront la nationalité helvétique que
vers 1925.
On comprend dès lors pourquoi les brevets des frères Dufaux
ont d’abord déposés à Paris avant d’être demandés en Suisse le 24 février 1900
sous le n° 21167 pour un " Dispositif pour moteur pour vélocipède
ayant l'aspect d'une sacoche" (sic) - voir dessin du brevet joint - en s'inspirant du brevet G. Daimler du 25 juin 1889 n° 1151 - voir dessin du brevet et système de distribution de la
motosacoche joint. Mais si ce dispositif ne concerne que
le moteur il faut donc s'intéressé à la famille Dufaux pour la partie
cycle. Donc cette famille comprenait des industriels produisant - je vous le
donne en mille ! - des métiers à tricoter dont les usines se trouvaient en
banlieue parisienne et dont l’une des filiales était installée justement à
Genève. Ainsi, Charles Terrot et Guillaume Dutlinger ne sont donc pas sortie de
leur sphère financière pour trouver les motoristes qu’ils avaient besoin... La
filiale genevoise était sous la direction de Charles fils (1879-1950) et
Frédéric Dufaux (1881-1962), les cousins d'Armand et Henri, qui imagina à la
même période d'introduire dès 1899 la production de bicyclettes aux côtés de
ses métiers à tisser. D'ailleurs, Charles Dufaux fils pris le 6 mars 1899
un 1er brevet (n° 18803) pour un vélocipède à frein perfectionné dans
lequel on installa l'une des premiers « moteur-sacoche »... On
lui devra encore, ainsi qu’à Marguerite Dufaux, divers systèmes pour cycles
et magnétos pour motocyclettes Motosacoche...
Vous devez penser que cette étude a été réalisée qu'à
travers une petite lorgnette et que l'auteur de ces lignes a une vue très
étroite ! Alors étudions le droit suisse et français sur la nationalité.
Selon le droit suisse, la nationalité suisse ne se transmet
pas automatique de génération en génération
Le fait de naître à l'étranger fait perdre de
facto la nationalité suisse si la demande n'a pas été effectuée
expressément avant l'âge de 22 ans révolu.
Jusqu'à l'âge de 32 ans, l'intéressé, s'il
demeure à l'étranger doit entamer une procédure dite de réintégration.
S'il s'établit définitivement en Suisse, il peut redemander la nationalité
suisse quel que soit le temps écoulé.
Selon le droit français, la nationalité française se
transmet de génération en génération même si l'un deux ne l'est pas
et cela peut importe le lieu de votre naissance.
Toutefois, si la personne est née à l’étranger et/ou d’un parent
étranger, elle garde la possibilité de répudier la nationalité française.
Le fait de naître en France de parents étranger et d’y
résider au moins 5 ans à partir de l’âge de 11 mois, vous octroi de facto la
nationalité française à 18 ans.
Vous êtes nés en France de parents ressortissant des
colonies et protectorats, vous êtes français.
Vous êtes nés en France de parents apatrides, étrangers ou
inconnu, vous donne la nationalité française.
En conséquence Henri et Armand Dufaux possèdent la
double nationalité suisse et française respectivement jusqu'au 18
septembre 1901 pour Henri et 13 janvier 1905 pour Armand.
N'en déplaise à certain, sur les documents officiels
(brevets et dépôts de sociétés) ils déclarent être français. Jusqu'en 1911 pour
Henri et 1915 pour Armand, ils ont eut la possibilité d'entamer les
démarches de réintégration.
Il est problable qu'Henri Dufaux ait retrouvé sa nationalité
mais, tel n'est pas le cas d'Armand Dufaux qui déclara en Allemagne, Autriche,
France, Grande-Bretagne et Etats-Unis être citoyen français.
Dans le brevet n° 205,085 qu'il déposa à Londres
le 3 octobre 1922, il déclare demeuré 87, rue Baudin à
Levallois-Perret et être French citizen.
Dans celui n° 324,264 qu'il déposa à Londres le 19 février
1929, il déclare toujours demeuré à Levallois-Perret, même adresse, mais cette
fois-ci être citizen of the Swiss confederation.
No comment !
Eh oui messieurs, si le bernois Ernest Zürcher
peut s’enorgueillir d’être le « plus français des constructeurs
suisses » avec ses usines de Pontarlier (Doubs) puis de La
Ferrière-sous-Jougne (Doubs), MM. Armand et Henri Dufaux sont
donc les « plus suisses des constructeurs
français ! ».
Cordialement
Mme & M Didier Mahistre